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Peine De Mort

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Trous de mémoire

 

Par François Ruffin, - 13/07/2011


Le journal Fakir est un journal papier. Il est en vente chez tous les bons kiosquiers ou sur abonnement. Il ne peut réaliser des enquêtes, des reportages, que parce qu’il est acheté.

 

Fakir fait rentrer Ambroise Croizat dans le Petit Robert ! Parce qu’on croit que c’est « objectif », un dictionnaire ?

Neutre, même ? Mais quand une cantatrice remplace le fondateur de la Sécu, on s’interroge. Et Alain Rey nous répond.


 

« … et son nom ne figure même pas dans le dictionnaire ! Johnny Hallyday, oui, Rika Zaraï, oui, mais Ambroise Croizat, non ! »
 

 

C’est son biographe, Michel Etiévent, qui me racontait ça, plein d’indignation, lors d’un reportage à Notre-Dame de Briançon, la ville de naissance du « ministre des travailleurs ». Qu’Ambroise Croizat, fondateur de la Sécurité sociale en 1945, qui œuvra aussi à l’instauration des prestations familiales, à la prévention des accidents du travail, à la mise en place des comités d’entreprises, etc., que lui ne figure pas dans le dico ? J’avais du mal à le croire.

  Une cantatrice, des papes…

 

De retour à Amiens, j’ai ouvert le Petit Robert des noms propres (édition 2004). Et en effet : on trouvait bien « Croiza, Claire, cantatrice française (1882-1946) », puis « Crolles (38190). Commune de l’Isère », mais entre les deux, nul « Croizat, Ambroise ». étonné par cette hiérarchie, j’ai appelé la rédaction du Petit Robert. Très courtoisement, une assistante vérifia dans l’édition 2010 : « En effet… mais on ne peut pas mettre tout le monde… » Certes. Dans la foulée, je feuilletais pour Marcel Paul – lui qui, à la Libération toujours, nationalisa le gaz et l’électricité après une bataille féroce avec les possédants (qui ont pris leur revanche, dernièrement).

 

À « Paul », on trouve six papes, un roi de Grèce, un empereur de Russie, un linguiste allemand, un physicien allemand, mais pas de « Marcel ». Pas le créateur d’EDF et de GDF, communiste et enfant de l’Assistance.

 

J’ai donc rappelé le Petit Robert :
– Un dictionnaire ne peut pas être exhaustif, m’a averti une autre collaboratrice.
– Je suis bien d’accord. Mais là, c’est l’initiateur de la Sécu…
– Oui, et alors ?
– Et vous avez la place pour une cantatrice et pas pour lui… Pareil pour Marcel Paul, qui a fondé…
– Vous voulez en venir où ?
– Eh bien, on se dit que c’est quand même orienté parce que…
– Il ne peut pas y avoir tous les grands hommes.
 

 

Sans doute, mais « 40 000 » notices, ça laisse quand même de la place. La directrice m’a retéléphoné, un peu gênée, expliquant – sur mon répondeur – qu’ « il ne s’agissait pas d’ostraciser une tendance politique », etc.


Dans la peau de Winston


« Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. » C’est dans 1984, le roman de George Orwell. Et son héros, Winston, est bien placé pour le comprendre : il travaille au commissariat aux Archives. Lui s’applique à falsifier les documents : « Lorsque toutes les corrections qu’il était nécessaire d’apporter à un numéro spécial du Times avaient été rassemblées et collationnées, le numéro était réimprimé. La copie originale était détruite et remplacée dans la collection par la copie corrigée. Ce processus de continuelles retouches était appliqué, non seulement aux journaux, mais aux livres, périodiques, pamphlets, affiches, prospectus, films, enregistrements sonores, caricatures, photographies. »

 

Pris de remords, Winston se confie à son amie Julia : « Te rends-tu compte que le passé a été aboli jusqu’à hier ? Déjà, nous ne savons littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent. Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. »

 

Ce passé, à ses risques et périls, Winston va s’efforcer de le mettre au jour. Sans risque ni péril, de mon côté, mais plus ça va, plus je me sens dans la peau d’un petit Winston. Plus l’utilité – relative – de Fakir me semble ça : de lutter contre une amnésie collective, quotidiennement organisée, non parce que les archives seraient détruites, juste parce qu’une actualité chasse l’autre, sans mémoire. Il ne s’agit pas de remonter au Moyen-âge, non : simplement au Cercle de l’industrie, par exemple, pour Dominique Strauss-Kahn. À 1963, pour les douanes. À la fin des années soixante-dix, pour les impôts.

 

L’histoire, même récente, nous apporte cette leçon séditieuse : ce qui est n’a pas toujours été. Et donc, pourrait bien ne plus être. Mais deux ou trois décennies, déjà, c’est bien trop de recul pour la presse dominante. Après notre incursion à l’assemblée générale du groupe Casino, le magazine LSA« actualité consommation des ménages et grande distribution » – pointa « l’intervention bruyante d’une vingtaine de militants venus dénoncer (…) cerise sur la gâteau, le rôle supposé que Jean-Charles Naouri aurait joué dans “le big bang de la finance” entre… 1984 et 1986 (sic) lorsqu’il était directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy, ministre des Finances. » ça lui semblait surréaliste, presque, à ce parfait journaliste, qu’on cite un événement datant d’un quart de siècle. C’était de l’antiquité sumérienne, quasiment, pour lui. Le néolithique. C’est un hommage qu’il nous rendait, je trouve, avec son « sic » et ses points de suspension.

 

À quoi bon jouer les historiens, que nous ne sommes pas ? C’est que l’éternel présent conduit tout droit à la résignation. Au « on vit dans le monde dans lequel on vit ». Au « c’est comme ça », qui signifie : ça ne saurait être autrement. à la naturalisation de l’existant : la libéralisation des capitaux, par exemple, pour notre reporter de LSA, voilà qui relève d’un phénomène naturel, vrai de tout temps ou presque, et non d’une décision politique.

« Réparer les lacunes »


J’ai poursuivi ma mini-enquête dans le Robert. Maurice Kriegel-Valrimont (mon héros perso), Pierre Villon, Jean de Voguë – qui dirigèrent le Comac, le Comité d’action militaire de la Résistance, l’état-major de l’insurrection. Aucun de ces noms, et plein d’autres, ne trouvait grâce aux yeux des encyclopédistes. Sur eux, pas une ligne. À la place d’un coup de fil, cette fois, je me suis fendu d’une lettre à Alain Rey, l’ancien chroniqueur de France Inter, rédacteur en chef des éditions Le Robert. En lui demandant, d’abord, que ces « trous dans votre dictionnaire soient comblés ».

Extrait de la lettre : ...J’aurais, au-delà, une autre suggestion, épistémologique pour ainsi dire. Le Petit Robert est un outil de notre mémoire commune. Il me semblerait important de comprendre comment se forme cette mémoire, comme se forge cet outil. Qu’avec votre équipe, on réfléchisse à cette question : en février 1951, près d’un million de personnes défilent devant le cercueil d’Ambroise Croizat, alors surnommé le “ministre des pauvres” – comment les auteurs du Robert, à l’époque, ont-ils fait pour ne pas l’intégrer à leurs “40 000 articles” ? S’agit-il, dans le contexte de la guerre froide, d’un choix politique conscient ? Ou, de façon inconsciente, Le Robert construit-il une “mémoire bourgeoise”  ? [...] Enfin, on pourrait instituer une réunion annuelle, avec des historiens de la Résistance, mais aussi du syndicalisme, du mouvement ouvrier, afin de réparer les lacunes les plus évidentes : au hasard, Joe Hill est absent, Marius Jacob également, etc. C’est toute une “histoire populaire” qui devrait, me semble-t-il, trouver sa place dans Le Robert.

J’ai apporté mon courrier aux Glières, avant de l’envoyer. Walter Bassan, déporté résistant, l’un des initiateurs du rassemblement, mais aussi Didier Magnin, président de Citoyens Résistants d’hier et d’aujourd’hui, et Michel Etiévent, biographe d’Ambroise Croizat, ont co-signé cette missive. Il pleuvait terrible. C’est une enveloppe gondolée, humide, trempée, qui est parvenue à Alain Rey. Qu’il nous pardonne. On attend de ses nouvelles...








 

 

Laurence Laporte, directrice éditoriale du Robert, nous répond dans un courriel : « Nous allons rattraper cette injustice et je m’engage personnellement à ce que le nom d’Ambroise Croizat figure dans notre prochaine édition du Petit Robert des noms propres. »








 

 

Alain Rey nous répond à son tour dans une lettre datée du 11 juillet 2011 :

[...] les lacunes que vous signalez correspondent justement à des domaines qui me touchent personnellement. Je signale donc aux responsables actuels de l’ouvrage l’absence regrettable de Croizat, Rol-Tanguy, Marcel Paul (au moins), sans prétendre couvrir l’ensemble de cette période. Mais comprenez que les problèmes de place, la pression de la mode, les contraintes financières sont une difficulté permanente pour ce genre d’ouvrages. En outre, la sociologie rend compte, en effet, de la prépondérance des valeurs bourgeoises dans la construction des mémoires culturelles collectives. Encore une révolution à faire ! Même si votre message n’est pas immédiatement suivi d’effet (je ne suis que consulté au Robert, depuis ma retraite), croyez qu’il coïncide dans son esprit à mes préoccupation et à mes désirs.

Après ce premier succès, Fakir compte bien renouveler l’opération avec Joe Hill, Marius Jacob... Signalez-nous tous les personnages oubliés du dico (votre tata, par exemple...) et nous transmettrons les dossiers à nos nouveaux amis !

 

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