LES APPRENTIS SORCIERS
DE LA SIDERURGIE LORRAINE
Ce qu’a proposé le gouvernement, c’est du bricolage.
C’est une suite, tout compte fait, de tous les rapiéçages effectués depuis la casse industrielle de l’acier en 1979 par Giscard d’Estaing, puis par les socialistes en 1984 avec Fabius, quand ils étaient au pouvoir sous Mitterrand, et ensuite sous Chirac avec Francis Mer qui accepta que l’acier français soit kidnappé par l’aventurier Mittal et qui lui a alors confié le capital du groupe Arcelor privatisé, habillé pour faire du profit maximum en ayant élagué de nombreux outils de production considérés comme non rentables. Mittal a pu ensuite travailler à des délocalisations lui permettant de faire davantage de profits tout en conservant les brevets et les fournisseurs dont en particulier l’automobile.
Que restera t’il de l’acier français d’ici quelques années avec ce maître de forges mondial qui n’a rien
à faire des travailleurs français et plus largement européens qu’il méprise ?
On voit où nous a mené cette politique de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), si chère à son créateur, le très réactionnaire Robert Schuman, qui devait permettre à la sidérurgie européenne de se doter d’une grande industrie de l’acier, et je me souviens, en tant que représentant CGT à la CECA dans les années 80, des discours du commissaire européen à l’industrie, le vicomte Davignon vantant les restructurations pour l’avenir de l’acier européen et en particulier lorrain.
Ils ont, tous ces politiciens, armés le bras du profit maximal, qui, a petit ou grand feu, tue tout ce qui reste encore de ce que fut la force de l’Europe et en particulier de la France : l’acier symbole de développement et de progrès sociaux.
Gandrange nous avait déjà révélé ce qu’était ce dépeceur Mittal et son unique but : se faire du fric. Nous avons vu comment il avait manipulé Sarkozy, incapable de s’y opposer par raison de classe et d’approvisionnement pour les entreprises utilisatrices d’aciers, qui se ravitaillaient en laminés à bon marché grâce aux productions délocalisées.
Ici, les travailleurs de Florange ont vu le coup arrivé, et ils se sont mis en lutte dans l’unité, ce qui n’avait pas toujours été le cas ( n’oublions pas que les plans aciers de 79 et de 84 qui ont touché particulièrement la Lorraine et l’ont affaibli ont été signé par les organisations syndicales réformistes lorraines et notamment par Jacques Chérèque, secrétaire de la CFDT puis préfet à la reconversion et ministre sous le gouvernement Bérégovoy).
Alors tant mieux si aujourd’hui les organisations syndicales défendent mordicus leur usine de Florange dans toute son entité avec la filière liquide et la filière laminage et transformation.
Je dis bricolage si la filière fonte est cédée, même au franc symbolique, et qu’elle soit distinguée de la filière transformation en produits finis pour les industries de la métallurgie que garderait le sinistre Mittal.
On parle d’un repreneur ; quel repreneur s’aventurera dans ces hauts-fourneaux à l’arrêt depuis plus d’un an, en sachant que le flibustier Mittal tient la filière produits laminés avec la clientèle française notamment pour l’automobile ou pour les boites de conserves ou de boisson ?
Et puis quel amateurisme en disant que Mittal doit s’engager à trouver un repreneur et faire des investissements dans la filière laminage à chaud et à froid. Avec ce patron, qui n’a que le fric comme étendard, peut-on croire qu’il répondra présent pour trouver un concurrent qui viendrait chasser sur ses terres de profits ; s’il en existe un près à le faire. Cela relève d’une naïveté coupable ou alors de ce qu’on l’on pourrait appeler d’une opération « billard à trois bandes » pour dire, au bout du compte, que tout a été fait et qu’on y peut rien : une sorte de réédition de ce qui vient de se passer concernant Citroën Aulnay où le gouvernement a vilipendé dans un premier temps le patron de Peugeot pour ensuite dire qu’il faut accepter de fermer l’usine moyennant un plan social.
Ce gouvernement - j’ai entendu Montebourg sur BFM - indique qu’une loi va obliger les entreprises qui délocalisent de s’assurer de retrouver un repreneur. Encore un coup fourré pour éviter ce que propose le Front de gauche de mettre en place une vraie loi contre les licenciements boursiers en les interdisant purement et simplement.
Et Montebourg indiquait sur BFM que cela pourrait concerné Mittal ; allons donc ! Mittal ferme non pas Florange mais un outil de production, les hauts fourneaux, et il peut très bien invoquer qu’il maintient le site dans ses productions de laminage où il fait de fructueux profits pour ne pas être obligé de respecter la loi que proposeraient les socialistes.
L’idée d’un repreneur vient ici comme la bouée de sauvetage, elle est aléatoire, elle met en cause l’harmonie de la production d’acier et sa transformation sur le site de Florange et elle engendrera inévitablement le doute sur sa crédibilité et les travailleurs ne seront qu’assis que sur du précaire avec la crainte à tout moment d’une remise en cause existentielle.
S’il faut un repreneur, il en existe un devant les déprédations de ce dépeceur Mittal, c’est l’Etat avec la nationalisation de toutes les usines françaises de la sidérurgie et la mise en place d’un plan pour utiliser les productions d’acier de Florange, de Fos et de Dunkerque pour les entreprises françaises de la transformation des métaux. Il est encore temps d’y penser et y compris au niveau de l’Europe où l’acier risque de quitter le continent européen et d’être fabriqué par des salariés à bas salaires et dans les pires conditions de travail comme c’est déjà le cas avec ce patron asservisseur.
Cela devrait être une revendication à débattre au niveau du projet industriel des syndicats Européens, sinon, la France mais aussi l’Europe n’auront plus que les yeux pour pleurer, car il ne restera plus un gramme d’acier produit par l’Europe si on laisse ce brigand continuer à avaler les dernières entités industrielles de l’acier européen pour les recracher dans les crassiers des usines sidérurgiques mortes.
Le 9 Octobre, crions fort que l’acier français soit débarrassé de Mittal.
Bernard LAMIRAND
Ancien responsable CGT de la Sidérurgie
et ancien membre de LA CECA