Point de vue de Michel Santi
Economiste indépendant
La seule façon de faire redémarrer l'économie est de rendre du pouvoir d'achat à celles et ceux qui dépensent vraiment, et ce dans le cadre de la vraie économie. En effet, seules les classes pauvres et moyennes sont concernées et profitent réellement à l'activité économique. Elles seules sont responsables de la croissance. Les classes aisées, pour leur part, thésaurisent ou investissent dans les produits financiers.
Le pouvoir d'achat: l'incontournable de la croissance
C'est pourquoi il est impératif -voire incontournable- de majorer les salaires, notamment le salaire minimum. Une confiscation en bonne et due forme de l'appareil économique a été entreprise depuis la fin des années 1970 par une infime minorité qui a redistribué le produit du travail des autres largement en sa faveur.
La productivité n'est pas à remettre en question
Ce ne sont effectivement pas tant nos usines, nos industries et nos entreprises qui ne sont pas productives. Cette productivité a en fait été monopolisée au bénéfice d'une élite qui a assisté, totalement indifférente, au creusement d'un fossé entre les salaires réels et la productivité. Il est vital de remonter les salaires aujourd'hui, et pas seulement pour corriger cette inégalité scandaleuse, mais également pour rétablir la corrélation traditionnelle entre productivité, salaires réels et consommation.
Dès lors, il est inévitable de poser la question: l'insistance -voire l'acharnement- des néo-libéraux à réclamer une amélioration de la compétitivité de nos entreprises est-elle motivée par une recherche de bénéfices supplémentaires en faveur de cette caste des investisseurs et des actionnaires ou est-elle réellement destinée à une progression qui bénéficierait à l'ensemble des acteurs de l'économie, c'est-à-dire aussi au consommateur de base?
Les ressources doivent être correctement et équitablement redistribuées
Il est certes légitime de faire progresser la productivité de chacun, à condition que cette amélioration se traduise sur le pouvoir d'achat du citoyen standard. Car la croissance ne sera pérennisée que par la courroie de transmission d'une augmentation des revenus, raison pour laquelle il est crucial de procéder en premier lieu à la revalorisation du salaire minimum.
Comme, à l'inverse, il est économiquement injustifié de laisser tant de ressources aux mains de ceux qui dépensent moins ou mal. N'est-il pas navrant de constater que le grand patronat (principalement anglo-saxon, il est vrai) est nettement plus préoccupé de l'ingénierie, des montages financiers et autres cours en bourse affectant son entreprise que de la modernisation de son appareil de production et de la diminution du chômage? Et pour cause: cette financiarisation poussée à ses extrémités actuelles a opéré un transfert des richesses quasi absolu depuis le monde du travail jusque vers les fameux "1%" privilégiés qui y trouvent naturellement leur compte.
Un constat finalement assez décevant
Voilà pourquoi les revenus du citoyen moyen n'ont pas progressé autant que la productivité du travail. Voilà pourquoi il nous est constamment demandé d'améliorer la productivité de nos entreprises. Une amélioration notable de leurs revenus permettrait ainsi de revitaliser les classes moyennes et pauvres, tout en ayant un impact relativement bénin sur les profits des entreprises, dont la plupart jouissent de résultats en totale déconnexion avec les sombres réalités économiques.
Les capacités de production et la productivité de nos entreprises doivent effectivement être améliorées. Mais elles ne le seront de manière durable et équitable que si le consommateur achète des biens et des produits et que s'il consomme des services. Donc si ses revenus bénéficient d'une progression substantielle.