« Dans une France libérée, nous libèrerons
le peuple des angoisses du lendemain ! »
Ambroise Croizat à droite, minitsre communiste, créateur de la Sécurité Sociale
Ces mots, rédigés en janvier 1944, sont ceux d'Ambroise Croizat dont nous honorons ce soir la mémoire et l'œuvre.
« Libérer le peuple des angoisses du lendemain », voilà la mission politique la plus noble qui soit et qui résonne si juste encore à nos
oreilles en ces temps de crise généralisée.
C'était là la mission des forces de la Résistance, les objectifs du Conseil national de la Résistance et de son programme ; ce fut le travail
gigantesque abattu par des femmes et des hommes vainqueurs du nazisme et du Régime de Vichy et bâtisseurs du nouvel avenir de notre nation après quatre années tragiques et terribles.
Ambroise Croizat, le « ministre des travailleurs », ainsi qu'on l'avait affectueusement surnommé de son vivant, fut de ces personnalités
politiques auxquelles notre pays, notre République et notre démocratie doivent ses plus belles conquêtes sociales du Front populaire puis de la Libération.
Inventeur, fondateur, bâtisseur de la sécurité sociale, de la généralisation des retraites, des congés payés et de la semaine de 40 heures, des
conventions collectives, du régime des prestations familiales, des comités d'entreprises, le statut des délégués du personnel, de la médecine du travail, de la reconnaissance de maladies
professionnelles, de la prévention et du traitement des accidents du travail, du statut des électriciens et des gaziers, de celui de la Fonction publique...
– autant d'exigences majeures, d'innovations sociales et politiques fondamentales qu'Ambroise Croizat sut, dans le travail collectif qu'il anima,
faire naître et rendre réelles appuyé qu'il était dans son action par les luttes des travailleurs eux-mêmes depuis des décennies.
Le ministre du travail et de la Sécurité sociale qui prend pour la première fois ses fonctions en novembre 1945 n'a pas été spécialement formé aux
affaires de l'État, il ne sort pas d'une grande école, c'est un ajusteur qui a commencé à travailler à treize ans, c'est un syndicaliste – secrétaire général du syndicat CGT de la métallurgie,
c'est un militant communiste de la première heure qui possède – à l'instar de toutes celles et tous ceux qui viennent de se battre contre la Bête immonde et leurs complices français et, qui
commencent immédiatement à reconstruire la France – Ambroise Croizat possède un sens aigu des responsabilités et du rôle de l'État, un sens aigu de la justice, de la justice sociale, un sens aigu
du respect dû aux travailleurs et de la dignité qui est la leur à se battre pour changer leurs conditions de travail et pour une politique de progrès.
L'engagement d'Ambroise Croizat, son moteur, est le projet d'émancipation qu'avec ses camarades communistes, et syndicalistes, il porte, il élabore,
il construit.
Et son fil rouge, son ambition, c'est la solidarité. « Faire société », dirait-on aujourd'hui, c'est faire vivre la solidarité de chacun
avec tous, de tous avec chacun, dans tous les domaines, toute la vie. La solidarité, c'est ce lien, cette interaction entre chacun de nous, qui fait de nous des êtres humains, qui fait du
« nous » une force du « je » et le « je » la couleur du « nous ».
Ambroise Croizat a su, toute sa vie durant, dans toutes les responsabilités qu'il prit et assuma, faire correspondre son action à l'invitation de
son père ouvrier, lui-même fondateur du syndicat CGT à Notre-Dame de Briançon, qui, en 1914, lui avait glissé à l'oreille : « Ne plie pas petit. Le siècle s'ouvre ».*
Oui, lorsque qu'après les emprisonnements (Ambroise Croizat, ancien député du Front populaire, fut des 35 députés communistes embastillés en 1939),
les 14 prisons où il séjourna jusqu'à sa déportation au bagne d'Alger, lorsqu'Ambroise Croizat est libéré en février 1943, c'est pour s'engager dans la clandestinité, c'est pour mener à terme ce
combat pour une France libre et démocratique, pour ouvrir un siècle que fascistes et nazis ont cherché à clore.
Oui, lorsqu'en mars 1944, avec le Conseil national de la Résistance, il fait sienne cette promesse : « Nous, combattants de l'ombre, exigeons
la mise en place d'un plan complet de sécurité sociale vivant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec
gestion par les intéressés et l'État », c'est bien pour ouvrir un siècle de solidarité où l'épanouissement de chacun est la garantie de l'émancipation de tous.
Oui, lorsqu'il aide à la création des premières 138 caisses de Sécurité sociale gérées par les travailleurs eux-mêmes, le siècle, à nouveau s'ouvre
: les travailleurs, prenant leur destin en main, offre un avenir à la France.
Si nous nous sommes réunis pour saluer la mémoire d'Ambroise Croizat ce jour c'est pour signifier combien l'oeuvre d'Ambroise Croizat reste vivante
et d'une modernité absolue. C'est également pour adresser un message explicite au futur ex-président Sarkozy qui a détruit en cinq ans beaucoup de ce que des décennies de lutte avaient créé pour
le bien commun.
En octobre 1950, nous rappelle l'historien Michel Etiévent, Ambroise Croizat prenait pour la dernière fois la parole à l'Assemblée nationale et
prononçait des mots que nous, communistes de 2012 faisons entièrement nôtres : « Jamais, nous ne tolèrerons que ne soit renié un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous
défendrons à en mourir et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès. »
Nous le réaffirmons, au président sortant et à sa majorité, comme à ceux qui manqueraient de courage pour affronter les forces de la finance : nous
serons de ceux qui se battront quoi qu'il en coûte, de ceux qui reconstruiront tout ce qui a été détruit et qui bâtiront ce qu'exige une société réconciliée avec sa propre humanité.
Santé, retraite, famille, mais aussi aujourd'hui, petite enfance, perte d'autonomie, sécurité d'emploi et de formation, notre ambition est de
reconstruire ce que le sarkozysme a détruit et d'inventer ce que les nombreux défis de l'humanité nous imposent de créer.
Nous y parviendrons, notre peuple y parviendra, car contrairement à cette droite arrogante et revancharde, ce n'est pas la revanche qui nous anime,
qui anime notre peuple, mais la justice. Et celles et ceux qui s'engagent pour faire régner la justice, dont chaque geste, chaque parole est animée de ce désire de solidarité et de justice sont,
au regard de l'histoire, ceux qui se libèrent des angoisses du lendemains et qui font de chaque jour neuf, un pas de plus vers l'émancipation humaine.
Merci à toutes et à tous de votre présence. Merci spécialement à toi Liliane d'être avec nous pour saluer la mémoire de ton père.