Baisse des ventes? Surcapacités? Un syndicaliste et un économiste contestent l’argumentaire de PSA. Pour eux, le groupe veut « saturer » un nombre restreint de sites pour produire à moindre coût et servir davantage les actionnaires.
Les marchés reculeraient, les usines seraient en surcapacité, pour survivre, il faudrait « réorganiser ». Tel est, en substance, le schéma explicatif livré par PSA en accompagnement de son plan choc de 8 000 suppressions d'emplois.
Pas si simple. Les ventes de voitures neuves ont certes connu un pic en 2010 et 2011 sous l’effet de la prime à la casse. « Le recul qui a suivi était prévisible. Les constructeurs ne peuvent pas dire qu’ils ne s’attendaient pas à un retournement du marché de l’auto. Tout le monde le savait », note Walid Hasni, chargé de mission chez Méric et Associés, cabinet d’expertise.
Mais, hormis cet épisode, depuis une dizaine d’années, « il n’y a pas de baisse des immatriculations en France ; par contre, il y a une
énorme baisse de production. Depuis dix ans, on a fabriqué à peu près un million de véhicules en moins alors que les ventes sont stables », ajoute-t-il. Cela signifie que la France
réimporte des véhicules fabriqués à l'étranger pour satisfaire son marché national étant entendu que la part des deux constructeurs nationaux na recule pas face aux constructeurs
étrangers.
« La question de la surcapacité (en Europe – NDLR) est posée par les deux constructeurs depuis dix ans. Cela ne les a pas empêché de continuer à installer des sites dans des pays low cost », renchérit Michel Ducret, en charge de l’auto à la fédération des métaux CGT. Et d’évoquer l’implantation de PSA à Trnava, en Slovaquie, pour y fabriquer des petits véhicules, « soi-disant pour le marché local. Mais 85 % de cette fabrication est réimportée en Europe de l’Ouest ».
Même chose pour la Renault Twingo délocalisée à Bursa, en Turquie, et « réimportée à plus de 70 % en Europe de l’Ouest », note Walid Hasni. « Renault espérait avoir la productivité France et les salaires slovènes. Mais les travailleurs slovènes, quand ils ont vu la hausse de la productivité, ont demandé des hausses de salaires… »
Actuellement, ni Renault ni PSA ne sont en mesure de produire une étude chiffrée attestant des gains financiers réalisés avec cette stratégie, constate l’expert de Méric.
Aujourd’hui, la même logique de recherche permanente d’une baisse des coûts de production détermine le plan de « réorganisation » annoncé chez PSA. Il s’agit de « saturer la production » sur un nombre réduit de sites, d’empocher des économies par la fermeture d’Aulnay, et ainsi de « produire à moindre coût pour rapporter le plus aux actionnaires », pointe Michel Ducret.
Même analyse chez Walid Hasni, qui interroge : « Qui peut nous expliquer pourquoi Renault garde la production de la Clio à Flins – et certainement une production rentable – et pourquoi PSA n’y arriverait pas à Aulnay avec la C3 ? Ce sont les mêmes fournisseurs, la même gamme, des véhicules semblables, et les mêmes salaires. »
« Le site d’Aulnay est sacrifié pour accroître la rentabilité. Qu’on ne dise pas qu’il n’est pas rentable : il est plus chargé (en production – NDLR) que celui Flins… », ajoute l’expert, qui souligne la vitalité du segment des petits véhicules, « celui qui a le plus explosé grâce à la prime à la casse et au bonus écologique ». « Pour commander une C3, en 2011, il fallait attendre quatre à cinq mois, six mois pour une Twingo… »
Problème de pouvoir d'achat
Le boom des ventes grâce à la prime à la casse « a prouvé qu’il y avait un problème de pouvoir d’achat dans ce pays », note au passage le syndicaliste Michel Ducret. Pour lui, pas de doute, « le niveau des marges des constructeurs est bien trop haut. Car si on est capable de vendre des véhicules à 40 % de moins, et encore gagner de l’argent, cela montre que la marge pourrait être réduite ».
Quelles leçons tirer de l’expérience ? Quelle stratégie alternative promouvoir ? Une chose est sûre : « La politique de réduction des coûts de Carlos Ghosn ou de Philippe Varin ne peut être une politique industrielle de long terme. Les coûts on ne pourra plus les compresser. Il est impossible de rivaliser avec les pays à bas coûts », explique Walid Hasni. Qui oppose à ce choix mortifère celui d’« une politique d’innovation, d’investissement et de recherche et développement ».
Même souhait de la part de Michel Ducret, qui ajoute : « Il faut un engagement des constructeurs à baisser les marges, rendre les modèles plus accessibles, miser sur la recherche. »
Pas de vision du véhicule électrique
Pour l’heure, note-t-il, « on a du mal à avoir une vision du véhicule électrique dans les années à venir ». Dans l’immédiat, la CGT des métaux « demande au gouvernement un moratoire sur les restructurations engagées par les constructeurs et une contre-expertise des difficultés par un cabinet indépendant », indique le syndicaliste.
En attendant, il faut « couper les robinets des fonds publics » versés aux groupes. Selon des estimations, PSA a perçu, depuis 2009, la bagatelle de 5 milliards d’aides publiques sous formes diverses, sans contrepartie. « Il aurait fallu conditionner le versement de la prime à la casse et le prêt de 3 milliards d’euros » (versé au nom de la crise en 2009 à PSA comme à Renault – NDLR), soutient Walid Hasni.
En vérité, « la prime a servi à rembourser par anticipation le crédit de 3 milliards de l’État pour avoir les mains libres et pouvoir licencier »…