Condamné à 10 mois de prison avec sursis
pour harcèlement moral
Sa mission était d’apporter rigueur et professionnalisme au sein d’une entreprise qui connaissait quelques remous. Didier Vieux, directeur de l’Intermarché de Cestas de 2007 à 2011, est allé bien au-delà de ses prérogatives. Ses méthodes de management lui ont valu d’être mis en examen pour harcèlement moral à la suite d’une plainte de plusieurs employés, trois hommes et trois femmes, présents, mardi, sur les bancs de la partie civile de la 5e chambre du tribunal correctionnel de Bordeaux.
Lui, en revanche, ne s’est pas déplacé depuis l’île de la Réunion où il travaille désormais, laissant ses explications à son avocat Me Jean-Marc Ducoureau. Le tribunal, présidé par Alain Reynal, qui l’a condamné à 10 mois de prison avec sursis et a accordé des dommages et intérêts à chacune des victimes, semble avoir regretté cette absence.
Lorsqu’il est nommé en juillet 2007 à la tête de l’Intermarché de Cestas, Didier Vieux a 45 ans et un sérieux vécu dans la grande distribution. Les salariés se souviennent qu’on leur a annoncé « l’arrivée d’un pitbull venu faire du nettoyage ».
En clair, le nouveau directeur était chargé de remettre de l’ordre dans plusieurs secteurs du magasin dont la directrice venait d’être licenciée pour faute lourde après avoir détourné des fonds. « Des employés étaient aussi payés en espèces et cela ne marchait pas très bien », résume le président Reynal.
Didier Vieux n’a pas pris des pincettes pour appliquer son plan d’action basé sur l’humiliation et les pressions quotidiennes en employant un vocabulaire déplacé, voire ordurier. « Où est-il l’autre grand con ? », demandait-il en parlant d’un cadre muté à la boucherie. « Bougez-vous le cul, espèce de dinde », lançait-il à une hôtesse d’accueil devenue, selon lui, « la reine des balances ».
Au rayon des fruits et légumes, il n’a pas hésité à faire manger un pruneau pourri à une jeune recrue devant des clients médusés. « Il avait fait la même chose ailleurs alors, on a très vite compris qu’il n’avait pas l’intention de garder le personnel, raconte avec émotion une des plaignantes. Nous avons vécu un enfer. J’allais travailler avec la boule au ventre. »
« Mais il ne s’en prenait à tous les échelons de la hiérarchie et tout le monde n’a pas eu à souffrir de ces agissements. Il y a même eu un mouvement social en sa faveur », observe le président Reynal. « C’est exact mais il ciblait celles et ceux qu’il ne voulait plus et les poussait à bout, répond une ex-salariée. On encaisse, on encaisse puis on n’y arrive plus ».
Les témoignages d’employés, d’agents de sécurité, de commerçants de la galerie marchande et même de clients ont apporté de l’eau au moulin des employés qui subissaient insultes et brimades et ont fini par tomber en arrêt maladie ou démissionner. « Avant son arrivée, nous étions une grande famille, on s’entendait très bien », relève une autre salariée travaillant aujourd’hui dans la comptabilité.
Didier Vieux, avait pour objectif d’augmenter le chiffre d’affaires sans se soucier de la manière pour y parvenir. Les experts psychiatres et psychologues ont noté « sa motivation et sa volonté de réussir ».
« Il s’est comporté comme un personnage cynique et a provoqué de graves souffrances psychologiques », insistent les avocats des parties civiles Mes Camille Baillot et Stanislas Laudet. « Ses agissements ont brisé des vies professionnelles et personnelles », constate la substitut du procureur, Estelle Cros pour requérir deux mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve et obligation d’indemniser les victimes. « Il était venu remettre sur les rails certains services », explique Me Ducoureau qui plaide la relaxe de l’ancien directeur. « Sa voix est dure et ses ordres sont stricts. Les employés n’ont tout simplement pas accepté une remise en cause de leurs habitudes. »
En 2011, n’ayant pas atteint ses objectifs, le directeur a été licencié…